Chapitre 4
L’épreuve de la corde d’or
Le dîner apparut sur les tables, et les élèves se mirent à manger. James ne cessait de tourner la tête pour vérifier ce qui se passait à la table Serpentard. Assis à côté de Ralph, Albus était plongé dans une conversation animée avec Rufus Burton et Trenton Block, les meilleurs amis Serpentard de Ralph. James les vit éclater d’un rire bruyant ; en les écoutant, même Ralph hochait la tête et souriait, sans cesser de grignoter son pilon de poulet.
— Tu as mal au cou, James ? demanda Graham qui engloutissait en même temps son assiette de ragoût.
— Non, j’essaye juste de voir ce qui se passe, répondit James. Ce n’est pas normal ! Albus ne peut pas être à Serpentard !
Rose était radieuse d’avoir été envoyée à Gryffondor. Avec un grand sourire, elle se pencha vers James.
— Tu n’arrêtes pas de dire ça, dit-elle. Et pourtant c’est toi qui a passé tout l’été à prévenir ton frère que ça risquait d’arriver.
— D’accord, mais je n’y croyais pas. C’était pour rire !
Suivant le regard de James, Graham se tourna lui aussi de l’autre côté de la salle, sous la grande bannière verte.
— Écoute, ton frère a l’air bien accueilli là-bas. Même Corsica lui parle.
— Ça ne m’étonne pas ! s’écria James d’une voix stridente. Avec moi aussi, l’année dernière, elle a fait semblant d’être gentille, et ça ne l’a pas empêchée de traiter mon père de menteur devant toute école. Elle doit être ravie d’avoir récupéré un Potter à Serpentard. Qui sait le genre de propagande dont elle va lui farcir la tête ? À mon avis, elle va se concentrer sur ça !
— Albus est capable de se défendre, James, répondit Noah d’un ton distrait. Et puis, tu l’as dit toi-même : tu as aussi failli aller à Serpentard l’an passé.
— Je vais aller voir comment il va, dit James.
Mais dès qu’il esquissa le geste de se lever, Damien le rattrapa et le fit se rasseoir.
— Laisse-le tranquille, dit-il. Tout va bien pour lui.
— Mais enfin, il est à Serpentard ! répéta James exaspéré. Il ne peut pas être à Serpentard, c’est un Potter !
— On a eu d’autres surprises, ce soir, dit Rose en baissant la voix. Je te signale qu’un Malefoy est assis au bout de la table Gryffondor.
James avait quasiment oublié Scorpius. Suivant le regard de Rose, il tourna la tête. Scorpius ne mangeait pas. Autour de lui, les autres Gryffondor l’ignoraient avec application, tout en parlant et riant bruyamment entre eux. Quand Scorpius croisa le regard de James, ses yeux s’étrécirent, et le garçon pâle eut un sourire sardonique, parodiant en silence ceux qui l’entouraient. Puis il secoua la tête, les yeux au ciel, et se détourna.
— Franchement, ça me scie, marmonna Graham. Qu’est-ce qu’un minus comme lui fait à Gryffondor ?
Rose tendit la main, pour prendre un autre petit pain.
— Personne ne sait ce qu’il y a dans son cœur, répondit-elle. Seul le choixpeau le découvre. C’est la valeur personnelle qui compte, pas ce que sa famille a été. Peut-être y a-t-il plus dans Scorpius Malefoy que ce qu’on peut voir.
— Sûrement pas ! répondit James avec une ferme dénégation de la tête. J’ai entendu la façon dont il a parlé de grand-père dans le train. C’était horrible. Et il adore se vanter de son héritage Serpentard.
— Mais ça n’en fait pas un Serpentard pour autant, commenta Rose prudemment.
— C’est vrai, admit Damien. Être pénible n’envoie pas directement à Serpentard. Comme l’a dit le choixpeau, les Serpentard accordent une grande valeur à l’ambition. Après des décennies à parier sur les mauvais chevaux, les Malefoy et leur clique ont peut-être compris que l’ambition n’est pas si géniale que ça.
— Et tu trouves que ça suffit à faire de lui un Gryffondor ? s’enquit Damien d’un air dégoûté. Je ne supporte même pas de le regarder. Qu’est-ce que tu vois de Gryffondor en lui ?
Personne n’eut de réponse à ça. James ne put s’empêcher de jeter un nouveau coup d’œil au bout de la table où Scorpius était assis tout seul. Le garçon semblait perdu dans ses pensées, tranquille et calme, mais James savait que c’était une façade. Il avait vu l’expression de son visage quand Scorpius s’était assis à la table des Gryffondor. James se souvenait aussi de ses propres peurs le jour de son arrivée, l’an passé, avec le choixpeau sur la tête, quand il n’était pas certain d’être admis à Gryffondor, quand il avait craint de décevoir sa famille, de ne pas être le digne fils d’Harry Potter. Peut-être Scorpius vivait-il le même genre d’épreuve, mais à l’envers ? James en était presque certain, mais la fierté du garçon aux cheveux pâles ne lui permettait pas de le montrer. En plus, il y avait le problème d’Albus. James en était encore sidéré, mais son frère avait de toute évidence permit au choixpeau de l’envoyer à Serpentard pour provoquer Scorpius.
Sur une impulsion, James quitta son banc. Il remonta tout le long de la table. Quand il s’arrêta près de lui, Scorpius fit semblant de ne pas le remarquer.
James ne savait pas trop quoi dire.
— Eh bien… commença-t-il d’une voix hésitante, nous voilà dans la même maison.
Scorpius ne le regardait toujours pas. Les yeux mi-clos, affichant un profond ennui, il étudiait avec application les autres tables de la Grande Salle.
Sentant tous les yeux fixés sur lui, James espéra que son idée était bonne.
— Je sais que ça a mal commencé entre nous dans le train, continua-t-il, mais puisque nous allons passer le reste de l’année ensemble, ce serait peut-être mieux de repartir sur le bon pied. Bienvenue à Gryffondor, Scorpius.
James tendit la main, exactement comme il avait vu le père de Scorpius le faire en parlant à Harry, le jour des funérailles. Scorpius regardait toujours au loin. Lentement, il tourna la tête, et jeta sur la main offerte un regard de dédain. Avec un sourire moqueur, il jeta :
— C’est mignon tout plein, Potter, mais ne gaspille pas ton amabilité avec moi. Ce n’est pas parce que nous sommes dans la même maison que nous sommes du même monde. J’espère que tu n’imagines pas que je regrette de ne pas être à Serpentard ? Si c’est le cas, tu te trompes. Je suis très heureux d’être à Gryffondor. En fait, je considère même ça comme une chance. J’ai l’intention de prouver à tout le monde ce que doit être un vrai Gryffondor. Après toutes ces années d’héroïsme minable et de coups de chance, ça serait une bonne chose de découvrir le vrai courage.
James réalisa qu’il avait toujours la main tendue. Il laissa retomber son bras.
— D’accord, répondit-il. Alors, bonne chance. C’est comme tu veux.
Quand il se détourna, Scorpius tendit le bras pour l’arrêter.
— Je suis plutôt étonné de la façon dont le petit Albus s’adapte à Serpentard, dit-il distraitement. Au début, j’ai eu peur qu’ils le dévorent tout cru, mais apparemment, je me suis trompé. Le petit Potter doit avoir bien plus de Serpentard en lui que je ne l’avais cru. Avec ses initiales, j’aurais dû m’en douter. Après tout, ASP, c’était un signe.
James regarda Scorpius et nota son sourire sarcastique.
— Tiens, remarqua-t-il, je croyais que tu ignorais nos prénoms.
L’autre se contenta de hausser les épaules.
— D’accord, j’ai menti. Mais c’était avant, quand je croyais encore rentrer à Serpentard. Maintenant que je suis sous la bannière rouge et or, il faut toujours que je dise la vérité, pas vrai ?
De façon étrange, quelques Gryffondor gloussèrent en l’entendant. Scorpius récupéra son verre, et le leva, comme un salut.
— Buvons au futur, annonça-t-il, un sourcil levé. Dis-moi, Potter, tu n’as rien contre, j’espère ?
James finit par coincer son frère au moment où il quittait la grande salle, en compagnie des autres Serpentard. Albus était déjà devenu très populaire, et ses compagnons l’entouraient de près, s’esclaffant avec des rires bruyants.
— Franchement, je gère, disait Albus. Bien sûr, il y a des avantages à être le fils d’un des sorciers les plus connus du monde magique, mais je ne pense pas que ça compte ici, à Poudlard. Surtout avec les Serpentard !
Il y eut à nouveau de gros rires amusés. Étonné qu’Albus se débrouille aussi bien malgré le choc que sa nouvelle maison lui avait causé, James se fraya à coups d’épaule un passage dans la foule, et attrapa son frère par le coude. Il l’attira à part.
— Hey, du calme ! s’écria Albus avant de dire aux autres : C’est mon frère. Il a dû hériter sa manie de tout gérer de ma mère. Ne commencez pas à faire la fête sans moi !
Au pied des escaliers, Albus se tourna vers James, dégageant son coude d’un air mécontent.
— Pourquoi m’as-tu arrêté ? Je veux aller visiter mes nouveaux quartiers.
James se retourna, et regarda le groupe d’élèves qui attendaient Albus. Parmi eux, il y avait Tabitha Corsica, et elle adressa à James un sourire moqueur et un léger salut.
— À Serpentard ! grinça-t-il furieux.
— Oui, à Serpentard, répondit Albus, avec un haussement d’épaule. Après tout, c’est toi qui m’as prédit ça tout l’été.
James regarda son frère.
— Ne prétend pas que tu y es à cause de moi, Al. Tu sais très bien que je plaisantais. Dis-moi la vérité, as-tu fait ça pour provoquer Scorpius ?
Albus leva les yeux au ciel.
— Lâche-moi un peu, James. Comment pouvais-je savoir qu’un Malefoy serait envoyé chez Gryffondor ?
— J’ai vu la façon dont tu l’as regardé en montant sur l’estrade. Tu as voulu lui prouver quelque chose ! C’est une raison stupide pour devenir un Serpentard. Enfin, Al, ça va affecter toute ta vie scolaire ! Maintenant, tu es à Serpentard.
Albus baissa la voix, et regarda James droit dans les yeux.
— Je n’ai pas réellement choisi ça tout seul, tu sais. C’est le choixpeau qui décide. C’est son rôle.
— Mais papa disait…
— Oui je sais, mais les choses ont peut-être changé. Ou peut-être le choixpeau a-t-il compris que je ne voulais pas être à Gryffondor – du moins pas assez. Dans tous les cas, dès que je l’ai mis sur ma tête, j’ai eu une vision de moi dans la maison vert et argent. Et pour te dire la vérité, pour la première fois de ma vie, ça m’a plu.
James fronça les sourcils.
— Mais enfin, tout l’été, tu es devenu fou chaque fois que j’en parlais. C’était marrant, Al. Je ne t’aurais pas autant charrié si ça n’avait pas aussi bien marché. Tu t’énervais si vite !
Une fois de plus, Albus haussa les épaules. Puis il tourna la tête, comme pour examiner les escaliers magiques qui s’agitaient sans arrêt non loin des deux garçons.
— Peut-être ai-je choisi d’aller à Serpentard à cause de toi, James. Tu as été vraiment pénible avec moi cet été, et je me suis dit tout à coup : pourquoi pas ?
Exaspéré, James fit la grimace. Son frère lui envoya une bourrade sur l’épaule.
— Allez, du calme, James, dit-il. Les choses évoluent. Tu sais, il y a autre chose que papa m’a dit sur le quai : d’après lui, si je devenais un Serpentard, alors Serpentard gagnerait un excellent élève. Tu veux être le roi de Gryffondor, tant mieux pour toi ! Quant à moi, je vais briller à Serpentard. Comme ça, à nous deux, nous dirigerons quasiment Poudlard.
James secoua la tête, mais il ne put retenir un sourire.
— Franchement, tu es un cas, Al – et tu mérites ton surnom de Débilus. J’ai presque failli te croire. Tu es sûr de savoir ce que tu fais ?
— Non, pas du tout, répondit Albus soudain sérieux. Mais ça ne m’a jamais arrêté. Écoute, n’en parle pas tout de suite aux parents d’accord ? Je veux le leur dire moi-même.
James fit la grimace.
— Tu me prends pour qui ? s’écria-t-il, vexé. Je ne cafarde jamais !
— Si, sur le quai ce matin, tu as cafardé sur Ted et Victoire, rétorqua Albus.
— Mais je t’ai déjà expliqué…
Albus recula, les mains levées.
— C’est entre toi et ta conscience, grand frère. Je pense qu’il faut que je rejoigne mes nouveaux potes. D’après Ralph, pour la fête d’initiation, nous aurons un gâteau magique en forme de balai et de véritables loukoums de Turquie. Et puis, j’ai vraiment très envie de boire une Bièraubeurre devant une cheminée avec une tête de serpent géant.
James soupira en regardant son frère rejoindre les Serpentard, et toute la bande descendre vers le sous-sol où se trouvait la salle commune de leur maison. James commença à monter les escaliers vers la tour Gryffondor quand Rose le rejoignit.
— Ralph dit qu’il gardera un œil sur Albus, dit sa cousine, d’un ton rassurant. Tu sais, peut-être que Serpentard conviendra à Albus. Il a toujours été plutôt… sauvage.
— Oui, je sais, admit James. Mais je n’ai jamais réellement cru que ça arriverait. Ça me fait drôle de voir un Potter à Serpentard.
— Tu es jaloux ?
— Quoi ? (James s’arrêta net en arrivant sur le palier, pour affronter sa cousine.) Mais qu’est-ce que tu racontes ? Pourquoi serais-je jaloux ?
Rose haussa les épaules, et changea de sujet.
— J’ai entendu dire que les Gremlins ont prévu quelque chose pour ce soir, annonça-t-elle.
— Comment es-tu déjà au courant ?
— Eh bien, admit Rose avec un demi-sourire, c’est en partie mon idée. Et ils l’ont tellement appréciée qu’ils m’ont demandé de venir aussi. En toute sincérité, ça n’aurait pas été possible sans toi.
James se souvint de sa première nuit, l’an passé : les Gremlins lui avait jeté un sort pour le faire ressembler à un extraterrestre, avant de le convaincre de descendre d’une fausse soucoupe volante pour affoler un pauvre fermier moldu des environs.
— Ils comptent encore lancer la Caspule ? demanda-t-il.
— Non, répondit Rose. La Caspule a pris sa retraite quand Ted a reçu son diplôme de fin d’études. Et puis, se moquer des Moldus est un peu trop facile, non ? Sans compter que c’est dangereux maintenant que le nouveau directeur connaît l’existence de la Caspule… et sa cachette.
— Rose, je ne sais pas d’où tu tiens tous ces renseignements, mais je suis ébloui.
— Apparemment, le nom de Weasley a un certain poids à Poudlard, répondit-elle avec entrain.
En entrant dans la salle commune, James ne put retenir son sourire. La pièce bourdonnait de rires et de conversations, comme un chaudron rempli à ras bord. Le buste de Godric Gryffondor oscillait dangereusement, suspendu en l’air, au-dessus d’un groupe de cinquième et sixième années qui jouaient à CB – cible et bâton. Le petit Cameron Creevey était déjà arrivé ; installé sur le canapé, il parlait avec d’autres « première année » devant le feu qui crépitait gaiement. Quand Cameron aperçut James, ses yeux s’écarquillèrent, et il envoya un coup de coude à une fille près de lui.
De l’autre côté de la pièce, Seth Thomas, un des batteurs de l’équipe Gryffondor au Quidditch, vit aussi entrer James.
— Hey James ! cria-t-il. Tu comptes encore participer aux essais cette année pour rentrer dans l’équipe ? Il y a déjà des paris à ton sujet : on se demande la taille du trou que tu creuseras dans le terrain.
— Faites attention à vos mises, répondit James avec un sourire, je me suis entraîné cet été.
— C’est ça, intervint Graham. D’après ce que j’ai entendu dire, ton père t’a confisqué ton balai en punition de tes nombreux méfaits.
La réflexion fut accueillie par des cris, des moqueries et des rires bruyants. James y participa de bon cœur. En vérité, il était heureux de ces plaisanteries. Il attendait les essais avec impatience. Plus les autres s’imaginaient que James allait répéter le désastre de l’année précédente, plus ils seraient surpris par ses progrès.
Les Gremlins – Noah, Petra, Damien et Sabrina – étaient assis à une table, dans un coin de la salle commune. Damien et Sabrina se penchaient tous les deux sur un large morceau de parchemin, une plume à la main. Ils semblaient se disputer à voix basse, chacun pointant un endroit différent du papier. Noah et Petra levèrent la tête, et firent signe à James et Rose d’approcher.
— Nous n’avons pas beaucoup de temps, dit Noah, mais heureusement, c’est le problème de Damien et de Sabrina. De plus, rien ne peut clocher, pas vrai ? Nous avons un nouveau Weasley à Poudlard. Tout va bien dans le meilleur des mondes.
— Comment épèles-tu « subséquemment » ? demanda Sabrina sans lever les yeux.
— C’est sans importance, répondit Damien d’un ton impatienté, si nous ne le savons pas, personne ne le saura.
— C’est quoi le plan ? s’enquit James, en s’installant sur une chaise.
Noah regarda Rose, avant de revenir à James.
— Tu sais, il vaut mieux que tu ne le saches pas. Pour le moment.
— Tu nous remercieras plus tard, James, appuya Rose.
— Quoi ? s’inquiéta James, les sourcils froncés. Mais pourquoi ?
— Fais-nous confiance, James, dit Petra. Ce sera bien mieux pour toi de proclamer ton innocence avec une parfaite sincérité.
— C’est déjà ce que Ted m’avait dit l’an dernier, le jour du débat, grommela James.
Il ouvrait la bouche pour protester davantage, mais il y eut tout à coup à un changement dans l’atmosphère de la pièce. Quelqu’un venait d’entrer dans la salle commune. James leva la tête pour regarder qui c’était.
Scorpius Malefoy tentait maladroitement de passer par l’ouverture derrière le portrait de la Grosse Dame. Sa robe était restée coincée dans une brique qui dépassait. Mécontent, il se redressa et tira dessus d’un geste sec. Puis il se retourna, le visage pâle et sévère, et affronta la salle commune.
— Très pittoresque, cette décoration vieillotte, se moqua-t-il d’une voix traînante. Je m’attendais à voir griller des marshmallows dans la cheminée et à entendre des chansonnettes jusqu’à minuit. Quelqu’un pourrait-il m’indiquer la direction des dortoirs ?
— Par là, répondit Graham, le pouce tendu derrière son épaule. En haut des escaliers, Malefoy. Tu es sûr de ne pas vouloir qu’on te garde un marshmallow ?
Au milieu d’un silence pesant, Scorpius ramassa sa sacoche de cuir et traversa la pièce. Tous les élèves le regardaient. Bloquant le passage, Hugo Paulson, un « septième année » au corps épais, était vautré dans une chaise à haut dossier, les jambes étalées devant lui. Le Scorpius s’arrêta et attendit qu’Hugo enlève ses jambes. L’autre fit semblant de le remarquer au dernier moment. Avec un grand sourire, il s’écarta. Scorpius leva les yeux au ciel, et continua son chemin.
James était conscient qu’il aurait dû avertir Scorpius, mais il ne put s’y résoudre. Les yeux brillants d’expectation, tous les élèves attendaient. Le garçon pâle leur jeta un regard dédaigneux, avant de poser le pied sur la première marche de l’escalier indiqué par Graham. Il n’arriva qu’à la quatrième.
Une alarme sonna. Les marches de l’escalier disparurent, le transformant en un toboggan de pierre lisse. Scorpius chercha à conserver son équilibre, mais en vain. Il glissa, et retomba lourdement sur le plancher de la salle commune, sous une explosion de rires moqueurs. Hugo se releva d’un bond, et prit le bras de Scorpius pour le remettre debout. Puis il lui envoya une grande bourrade dans le dos.
— Il est interdit de monter dans le dortoir des filles, coco ! Un sortilège protège leur escalier. Nous devrions vraiment mettre un panneau pour prévenir les petits nouveaux. C’est juste pour rire, Malefoy. Il faut bien une petite épreuve de bizutage, pas vrai ?
Scorpius se pencha pour récupérer sa sacoche, jeta à Graham un regard de colère glacée, puis, sans un mot, il traversa la pièce vers l’escalier opposé.
— C’était lamentable, remarqua Rose, une fois qu’il eut disparu.
— Il l’a mieux pris que ce que j’aurais cru, commenta Noah. Connaissant sa famille, je m’attendais à le voir jeter un Avada Kedavra juste par dépit.
— Il doit probablement jeter des sortilèges Doloris sur toutes les araignées du dortoir pour se défouler, répondit Graham.
— Ça suffit, vous tous ! coupa Petra. Vous êtes pires que lui. Si le choixpeau l’a envoyé à Gryffondor, il y a une bonne raison. Laissez-lui une chance de le prouver.
— C’était juste pour rire, Petra, marmonna Graham. Et Hugo a été bien pire avec moi l’année dernière. J’ai dû supporter ses vannes au moins une fois par semaine.
Peu à peu, les rires et les bavardages revinrent dans la salle commune. Damien et Sabrina reprirent leur mystérieuse tâche à voix basse. Rose se pencha vers James.
— Penses-tu que Petra ait raison ? demanda-t-elle tout bas. Penses-tu que Scorpius est vraiment un Gryffondor ?
James réfléchit avant de répondre. L’an passé, Ralph avait été envoyé à Serpentard. Au début, James avait réellement cru qu’il s’agissait d’une erreur. Ensuite, en apprenant qui était exactement le père de Ralph, il avait compris que le choixpeau magique ne s’était pas trompé.
— D’après Hagrid, le choixpeau sait ce qu’il fait, répondit-il. Il est impossible de le tromper : il peut lire dans les pensées. Et même deviner ce qu’on ne sait pas sur soi-même !
Rose ne sembla pas convaincue.
— Un jour, quelqu’un a réussi à tromper la Coupe de Feu – au temps de nos parents, pour le Tournoi des Trois Sorciers. Tout est possible dans le monde magique.
— Pourquoi Scorpius voudrait-il venir à Gryffondor ?
Rose haussa les épaules.
— Je ne sais pas. J’espère simplement qu’il a fait le bon choix. Parce que, dans le cas contraire, ça risque de très mal tourner. Surtout après ce soir.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? demanda James, inquiet.
Rose ne répondit pas à sa question, mais elle insista :
— Pourquoi ne vas-tu pas voir ce qu’il fait là-haut ? Il faudrait que tu le surveilles, James.
— Et zut ! s’écria James. D’abord, il y a Lucy qui me dit de surveiller Albus, et maintenant toi qui veux que je fasse la nounou du pauvre petit Scorpius Malefoy ?
— Fais-le quand même, James. Le temps que tu redescendes, je parie que Damien et Sabrina auront fini, et nous pourrons partir.
— Pétard ! grogna James, en se levant. Je n’aurais jamais cru que tu apprécies autant les mauvais garçons.
— Je n’apprécie pas Scorpius, répondit-elle, les sourcils froncés. Je préfère juste m’assurer qu’il reste occupé là-haut en ce moment.
En montant l’escalier vers le dortoir des garçons, James marmonnait toujours entre ses dents.
— C’est James, dit-il en arrivant sur le palier, ne me stupéfie pas.
À sa grande surprise, il trouva Scorpius dans le dortoir des « seconde année », et non chez les « première année ».
— Hey ! s’écria-t-il. C’est mon lit !
James s’était figé, le doigt tendu. Sans se gêner, Scorpius avait repoussé la malle de James au milieu du dortoir, et mis la sienne au pied du lit. Il était occupé à ranger ses habits dans le placard. En entendant James, il leva les yeux, sans interrompre sa tâche.
— Vraiment ? dit-il d’une voix distraite. Je n’ai pas vu ton nom écrit dessus.
— Pourtant, c’est bien mon lit ! cria James en colère. Et mon nom est gravé sur le bois, à la tête du lit, aussi clairement que ton nez est planté sur ta face de plâtre.
— Où ça ?
Tout en parlant, Scorpius s’approcha de la tête du lit. Il sortit sa baguette de sa robe, et eut un geste délicat du poignet. Un jet de lumière pourpre jaillit de sa baguette et heurta le bois du lit. Le nom de James disparut sous une énorme marque, noire et brûlée.
— Je ne vois rien, annonça Scorpius. Tu as dû te tromper.
Puis il se tourna, et regarda de l’autre côté de la pièce. À nouveau, il pointa sa baguette, et envoya un autre jet d’étincelles rouges.
— Voilà, dit-il, en se remettant à déballer ses affaires. Maintenant, cet autre lit a ton nom dessus. Tu es content ?
James s’approcha du lit d’en face. D’énormes lettres rouges étaient gravées sur le bois de lit. En écriture gothique compliquée mais parfaitement claire, elles disaient : « BÉBÉ POTTER ».
— Écoute, tu ne peux pas… commença James, puis il s’interrompit, et demanda : Comment as-tu réussi à faire ça ? C’est un sortilège informulé !
— Tu préfères m’entendre ? s’enquit Scorpius qui agita une fois de plus sa baguette. Ça ne me gêne pas. Mobiliarcha !
La malle de James traversa toute la pièce à toute vitesse, ratant ses jambes de peu. Elle heurta violemment les pieds du lit, et s’ouvrit, crachant la moitié des affaires de James par terre. Scorpius eut un sourire moqueur, puis il fit léviter ses livres hors de sa malle et les déposa soigneusement sur une étagère près du lit.
— Écoute, Malefoy, bafouilla James furieux, ce n’est même pas ta chambre. Tu es en première année. Tu ne peux pas installer où tu veux !
— Il n’y a plus de place en première année, répondit Malefoy. C’est du moins ce qu’ont prétendu les autres. De plus, Merlin a autorisé les première et seconde années à se mélanger, pour « favoriser l’adaptation ». Je me fiche complètement de l’endroit où je dors dans cette tour, mais l’idée de t’ennuyer me plaît beaucoup. Aussi, je vais rester ici. Si tu n’es pas content, va te plaindre au directeur. D’après ce que j’ai cru comprendre, tu t’entends très bien avec lui, pas vrai ?
— Les autres se sont fichus de toi, andouille ! s’exclama James, exaspéré. Il y a certainement de la place pour toi en première année.
Scorpius regarda enfin James avant de ranger sa baguette.
— Dommage, dit-il, maintenant c’est trop tard. Alors, la chansonnette est terminée là-bas en bas ? Ou bien es-tu juste venu regarder un vrai sorcier vider sa malle ?
Furieux, James tourna les talons, et dévala les escaliers. Il reprit sa place à table avec les autres.
— Si ce que vous avez prévu est contre Malefoy, je suis à fond pour, annonça-t-il. Ce mec est imbuvable.
— Oui, c’est l’esprit général, répondit Damien.
Mais il n’avait pas quitté son parchemin des yeux. James se pencha pour regarder. Damien et Sabrina avaient dessiné quelque chose, mais James ne comprit pas ce que c’était. Il y avait des figures géométriques, des flèches, et des notes gribouillées.
— Nous pouvons remercier le vieux professeur Granit pour ça, dit Noah, avec un grand sourire. Qui a dit que la Technomancie ne servait à rien ? Allez, c’est l’heure.
— Si nous avions encore la cape d’invisibilité de ton père, nous n’aurions pas besoin d’une sentinelle, expliqua Damien calmement. Et puisque ce n’est pas le cas, c’est à toi de faire le boulot.
Sabrina vibrait littéralement d’excitation, et la plume plantée dans ses cheveux épais menaçait de tomber.
— Je suis chargée de l’atterrissage, annonça-t-elle doucement. Rattrapez-le aussitôt que possible. C’est à vous de gérer le cryptage.
Damien hocha la tête. Noah, Rose, Petra et Sabrina s’éloignèrent vers les escaliers, au bout du couloir.
James soupira.
— D’accord, je suis sentinelle. Et qu’est-ce que je fais si quelqu’un arrive ?
— Tu inventes une histoire, répondit Damien. Dis que tu cherchais la salle de bain, mais tu t’es perdu. Raconte que tu as une diarrhée terrible. N’oublie pas de gémir. Nous t’entendrons, et nous saurons que quelqu’un arrive.
James fut horrifié.
— C’est complètement idiot ! D’abord, je suis en seconde année. Comment je pourrais me perdre en allant dans la salle de bain ?
— Fais preuve d’imagination, répondit Damien, d’une voix distraite. Si tu es très malade, ça peut te faire délirer. Pense juste à gémir très fort pour que nous t’entendions d’en bas.
James ouvrit la bouche pour protester, mais Damien avait déjà disparu dans l’escalier, d’un pas aussi discret que possible. Retenu sur place par la tâche qu’on lui avait assignée, James s’appuya contre le mur, et examina les alentours. Il ne savait pas ce que les Gremlins avaient en tête, mais ça avait quelque chose à voir avec le nouveau vitrail d’Héraclès. Voilà pourquoi Rose avait indiqué que rien n’aurait été possible sans James. C’est lui qui avait cassé ce vitrail l’année passée, en poussant à travers un intrus moldu au cours d’une folle poursuite nocturne. Le concierge, Rusard, avait prétendu que rien ne pourrait réparer le vitrail. Il avait eu raison. Heureusement, avec la magie, il n’était pas nécessaire de remplacer le vitrail détruit à l’identique. L’école s’était simplement procuré un autre vitrail, avant de l’ensorceler. D’après Petra, la vitre pouvait dorénavant ressembler à n’importe quel modèle choisi. Très traditionnaliste, Rusard avait réclamé le vieil Héraclès, jusqu’à la fêlure de son petit doigt.
James décida de vérifier discrètement ce que fabriquaient les Gremlins sur la fenêtre d’en bas. Il se redressa sans bruit et avança jusqu’aux escaliers. Il entendit Sabrina et Damien discuter à voix basse, mais sans comprendre ce qu’ils disaient. Aussi, il se détourna pour retourner à son poste et se trouva nez à… barbe avec Merlin.
— Berk ! s’exclama James en reculant. Mais enfin, ça ne va pas ? On ne surprend pas les gens comme ça !
Le visage du sorcier était aussi impassible que de coutume.
— Je présume que vous étiez chargé de faire le guet, Mr Potter ?
James se recroquevilla.
— Euh… oui, du moins avant que j’avale la moitié de votre barbe. Qu’est-ce que vous mettez comme huile ? On dirait le détergent avec lequel maman nettoie ses casseroles.
— Ne craignez rien, Mr Potter. Je certifierai à quiconque me posera la question que vous étiez très diminué ce soir par vos problèmes de boyaux. Je suis venu vous demander un petit service. Vous n’êtes pas obligé de me le rendre, mais si vous le faites, je rendrai à Gryffondor les dix points que je vous ai enlevés dans le train.
En frissonnant de dégoût, James se frotta le visage pour se débarrasser de l’huile de la barbe de Merlin.
— Oui, bien sûr. Que voulez-vous que je fasse ?
— Je veux que vous persuadiez Mr Deedle et une troisième personne de votre choix, de m’aider à récupérer quelques affaires pour mon bureau. Elles sont essentielles à mon travail, mais j’ai besoin d’assistance pour les ramener. Je dois dire qu’il y a quelque temps que j’en suis séparé.
— Plus d’un millier d’années non ? lança James, soudain intéressé. Je ne savais pas qu’il était possible de louer si longtemps un casier. Comment savez-vous que vos affaires sont encore là ?
— Ceci me regarde, Mr Potter. Puis-je donc compter sur votre aide ?
— Je n’ai pas vraiment l’impression que vous ayez besoin de moi, marmonna James. Pourquoi ne pas demander aux autres professeurs de vous aider ?
— Parce que je suis un homme prudent, répondit Merlin, avec un petit sourire. Je préfère garder mes opérations secrètes, et certains pourraient remettre en question l’origine de mes affaires personnelles. Si je vous ai choisi tout particulièrement, vous et Mr Deedle, c’est que vous avez déjà prouvé être capables de garder un secret, et même un peu trop.
— Donc, je récupère les dix points de Gryffondor si je vous aide à récupérer vos affaires ? Ça me paraît un bon marché. J’imagine que mon silence est en prime, c’est ça ? demanda James, les yeux levés sur l’immense sorcier qui le surplombait.
Merlin hocha la tête.
— Choisissez prudemment la troisième personne qui nous accompagnera. Nous partirons demain après-midi. Retrouvez-moi à l’entrée de la vieille rotonde, et préparez-vous à marcher.
Quand Merlin se détourna pour partir, les grands plis de sa robe ondulèrent derrière lui. James le rappela, gardant sa voix la plus basse possible pour ne pas alerter les Gremlins à l’étage au-dessous.
— Euh, monsieur le directeur ?
Merlin s’arrêta, et se tourna à demi vers James, un sourcil en l’air.
— Oui ?
— Avez-vous retrouvé le borley ?
— Non, répondit Merlin en secouant la tête. Mais ne craignez rien, Mr Potter. Je suis quasiment certain qu’il s’agit du dernier. La prochaine fois, peut-être serez-vous mieux équipé pour l’affronter.
Peu après, le sorcier avait disparu, comme absorbé par les ombres du couloir. Il n’y avait aucun bruit de pas. Waouh ! pensa James. Les talents magiques de l’enchanteur étaient quelque peu effrayants. Autour de lui, même à l’intérieur du château, on aurait dit que vibrait une sauvagerie primitive mêlée à l’air de la nuit. De toute évidence, Merlin avait aussi une façon particulière de savoir ce qui se passait dans l’enceinte de Poudlard. Il avait su où trouver James, et la raison de sa présence. James pensa qu’il serait sans doute drôle de surprendre Merlin, caché sous la cape d’invisibilité de son père.
Peu après, les Gremlins remontèrent l’escalier à pas de loup. Rose était la dernière du groupe. La main sur la bouche, elle s’efforçait d’étouffer son fou-rire. Alors qu’ils revenaient tous vers la salle commune de Gryffondor, Petra demanda :
— Tu n’as vu personne, James ?
James se tourna vers elle, et réfléchit. Au bout d’une minute, il secoua la tête.
— Je n’ai rien de significatif à signaler.
C’était ce qu’il avait trouvé de plus proche de la vérité.
Le matin suivant, tandis que James dévalait les escaliers pour aller prendre son petit déjeuner, il fut soudain arrêté par plusieurs des élèves agglutinés sur le palier. Près d’eux, Rusard regardait le vitrail d’Héraclès. Le concierge avait les joues rouges de colère, et ses sourcils se plissaient férocement. De sa position sur les marches, James voyait parfaitement le vitrail. L’image d’Héraclès avait disparu. À sa place, se trouvait une bonne caricature de Salazar Serpentard. Étrangement, le sorcier semblait sourire en indiquant derrière lui un chemin qui montait vers un panneau marqué « Arrivée ». Un jeune garçon aux cheveux noirs ébouriffés lui donnait le bras : Albus. Et une bannière flottait au-dessus de leurs deux têtes, annonçant en lettres noires : « L’ÉQUIPE GAGNANTE ? » Pire encore, derrière eux, les regardant d’un air horrifié, il y avait un autre garçon, très pâle, aux traits pointu, aux cheveux d’un blond blanc. Au-dessus de Scorpius, un ballon de BD indiquait : « Subséquemment, Salazar ! Mon cœur est brisé ! »
— Ça provient d’un très vieux poème d’amour de Littérature Magique, dit Damien avec un sourire moqueur. Bien sûr, il n’y a pas dix personnes qui le reconnaîtront, mais je trouve que ça ajoute une note culturelle intéressante.
— Damien, tu es un vrai geek, dit Sabrina avec affection.
L’après-midi était chaud pour la saison quand James retrouva Ralph sous la grande arche de la vieille rotonde. Des rayons de soleil jetaient une lumière dorée sur le sol de marbre, et éclairaient ce qui restait des statues des quatre fondateurs de l’école. Il n’en restait plus que les pieds et une partie des jambes. Des morceaux de marbre traînaient sur le sol, arrachés par les mains des curieux au cours des siècles.
— Rose arrive, dit James, en s’approchant de son ami. Mais c’est le problème avec les filles : il leur faut toujours un temps fou pour se préparer. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi.
Ralph haussa les épaules.
— Fiera Hutte prétend qu’une fille met plus longtemps qu’un garçon à se préparer parce qu’elle se « prépare » vraiment. D’après elle, un garçon se contente de passer la main dans ses cheveux, et considère que c’est bon.
— Et alors ? marmonna James. Je ne vois pas ce qui il y a de mal à ça.
Rose s’approcha d’eux par derrière. James dut admettre qu’elle avait l’air mieux « préparée » que lui.
— Je t’avais dit que j’en avais pour une minute, dit-elle, sévère.
— Qu’y a-t-il là-dedans ? demanda Ralph, en désignant le sac qu’elle portait sur l’épaule.
— Voyons voir… répondit Rose, ma baguette, de l’eau, des biscuits, une potion anti-moustiques, un couteau de chasse, des jumelles magiques, des chaussettes propres, des lunettes de soleil. (Son regard passa de l’un à l’autre des deux garçons.) Quoi ? James a dit qu’on était supposé marcher !
James secoua la tête.
— C’est incroyable que tu puisses ressembler autant à ta mère et à ton père en même temps !
Rose eut un reniflement de dédain.
— J’ai de la chance, je présume.
— Comment ça, on est supposé marcher ? geignit Ralph, le front plissé. Vraiment marcher ? Comme pour une randonnée ?
James indiqua l’autre bout de la rotonde.
— Il faut qu’on sorte. Merlin a dit qu’il nous retrouverait à l’entrée de la vieille rotonde, et qu’ensuite, il nous indiquerait où aller. Je n’en sais pas plus.
— Je n’ai pas de chaussures de randonnée ! se plaignit Ralph, en le suivant.
Quittant l’abri de la rotonde, ils sortirent tous les trois dans la chaleur de l’après-midi. Autrefois, bien des siècles plus tôt, la rotonde était l’entrée officielle de Poudlard. Actuellement, elle ne servait plus. Ses larges portes, toujours ouvertes, donnaient sur des champs en friche, à l’orée de la forêt.
Rose se retourna et examina ce qui restait des statues dans la rotonde.
— Je trouve qu’elles fichent la trouille, dit-elle. Avant d’être cassées, elles devaient être immenses. Que leur est-il arrivé ?
— C’étaient les statues des quatre fondateurs de l’école, répondit James. Elles ont été détruites, il y a très longtemps. Sans doute au cours d’une bataille.
— En fait, tu n’en sais rien, se moqua Rose, les sourcils levés.
C’était la vérité, mais James n’avait pas l’intention de l’admettre. Aussi, il s’appliqua à chercher Merlin, pour détourner la conversation.
Ralph plissait le front, en réfléchissant.
— Je me demande ce que sont devenus les morceaux. Tu crois qu’ils sont toujours au château, cachés dans une oubliette ou une pièce quelconque ?
— Je n’en serais pas surprise, approuva Rose. Il y a ici suffisamment de place pour garder n’importe quoi. À ce qu’on prétend, les fondateurs eux-mêmes sont enterrés sous le château, mais personne ne sait où. Sauf Salazar Serpentard, bien entendu.
Ralph cligna des yeux en la regardant, étonné.
— Pourquoi n’est-il pas aussi enterré ici ?
— Je croyais que tu avais lu l’Histoire de Poudlard !
Ralph se tourna vers James.
— Elle est toujours comme ça ? Si c’est le cas, rappelle-moi de ne plus jamais lui poser une question.
— Salazar n’est pas enterré ici, répondit James, parce qu’il s’est disputé avec les trois autres fondateurs, et qu’ils l’ont éjecté de l’école.
— Oups ! (Ralph grimaça.) Je préfère ne pas savoir ce qui s’est passé.
— Mais tu peux le deviner, répondit James. Heureusement que les choses ont changé, pas vrai ?
— Le temps ne change jamais, répondit une voix profonde.
James leva les yeux et vit Merlin qui remontait les marches, depuis le champ en dessous.
— Seuls les gens évoluent, ajouta le sorcier. Bonjour, mes amis. Êtes-vous prêts à partir ?
— Si ça veut dire qu’on doit vraiment marcher, marmonna Ralph, tristement, je ne suis pas certain de pouvoir répondre oui.
Merlin redescendait déjà les marches qu’il avait prises, et traversait le champ en friche. James regarda les deux autres, puis haussa les épaules, et dévala l’escalier à sa poursuite.
— Alors, qu’allons-nous utiliser pour voyager, monsieur le directeur ? demanda Rose en arrivant derrière James. Un portoloin ? Un balai ? Ou un sortilège de transplanage ?
— Je pensais que Mr Potter vous aurait déjà tout expliqué, répondit Merlin sans se retourner. Nous allons marcher.
— Tout le temps ? gémit Ralph qui venait de trébucher dans une racine de bruyère.
Merlin semblait enchanté de la promenade.